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Kannavape (version anglaise)

Les faits de l'affaire commencent au point 28 du texte. Il s'agit d'un texte aride, mais avec de la patience et de la persévérance, sa lecture est très intéressante. Le jugement expose clairement la position de l'UE sur les produits à base de CBD et leur vente au sein de l'UE. De nombreux juristes et universitaires ont affirmé que les tribunaux allemands n'étaient plus en phase avec l'arrêt Kannavape et la législation européenne.

CAS KANNAVAPE

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ECLI:EU:C:2020:938

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

19 novembre 2020 (*)

(Demande de décision préjudicielle - Libre circulation des marchandises - Organisation commune des marchés dans le secteur du lin et du chanvre - Exceptions - Protection de la santé publique - Législation nationale limitant l'industrialisation et la commercialisation du chanvre aux seules fibres et semences - Cannabidiol (CBD))

Dans l'affaire C-663/18,

Demande de décision préjudicielle au titre de l'article 267 TFUE présentée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (France), par décision du 23 octobre 2018, parvenue à la Cour le 23 octobre 2018, dans la procédure pénale engagée contre

B S,

C A

les parties intervenantes :

Ministère public,

Conseil national de l'ordre des pharmaciens,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. Vilaras, président de chambre, N. Piçarra, D. Šváby, S. Rodin (rapporteur) et K. Jürimäe, juges,

Avocat général : E. Tanchev,

Greffier : V. Giacobbo, Administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audition du 23 octobre 2019,

après avoir examiné les observations présentées au nom de :

- B S, par X. Pizarro et I. Metton, avocats,

- C A, par E. van Keymeulen, M. De Vallois, A. Vey et L.-M. De Roux, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg. De Roux, avocats,

- le gouvernement français, par A.-L. Desjonquères et C. Mosser et par R. Coesme, en qualité d'agents. Desjonquères et C. Mosser et par R. Coesme, en qualité d'agents,

- le gouvernement grec, par G. Kanellopoulos et par A. Vasilopoulou, en qualité d'agents,

- la Commission européenne, par A. Lewis, M. Huttunen et M. Kaduczak, en qualité d'agents,

après avoir entendu les conclusions de l'avocat général à l'audience du 14 mai 2020,

donne ce qui suit

Arrêt de la Cour

1        La présente demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des articles 34 et 36 du TFUE, du règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien dans le cadre de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil (JO L 347, p. 608), et du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil (JO L 347, p. 671).

2        La demande a été faite dans le cadre d'une procédure pénale engagée en France contre B S et C A, en relation avec la commercialisation et la distribution d'une cigarette électronique à l'huile de chanvre.

 Contexte juridique

 Droit international

 Le SH et les notes explicatives du SH

-       Le SH

3        Le Conseil de coopération douanière, devenu l'Organisation mondiale des douanes (OMD), a été créé par la Convention portant création d'un Conseil de coopération douanière, conclue à Bruxelles le 15 décembre 1950. Le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises ("le SH") a été élaboré par l'OMD et établi par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983 et approuvée, avec son protocole d'amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO L 198, p. 1) ("la convention SH").

4        La position 29.32 de la convention SH, qui figure au chapitre 29 de celle-ci, intitulé "Produits chimiques organiques", est libellée comme suit :

Numéro de rubriqueHScodeDescription
......
29.32Composés hétérocycliques avec un ou plusieurs hétéroatomes d'oxygène uniquement.
......
- Autre :
2932.95- Tétrahydrocannabinols (tous les isomères)
2932.99- Autres

5        La position 57.01 de la convention SH, devenue la position 53.02, comprend le "Chanvre véritable (Cannabis sativa L.), bruts ou travaillés, mais non filés ; étoupes et déchets de chanvre (y compris les déchets de fils et les effilochés)".

-       Les notes explicatives du SH

6        Les notes explicatives du SH ("les notes explicatives du SH") sont élaborées au sein de l'OMD conformément aux dispositions de la convention SH.

7        La note relative au chapitre 29 de la convention SH stipule que

En règle générale, le présent chapitre se limite aux composés distincts chimiquement définis ... Un composé distinct chimiquement défini est une substance qui consiste en une espèce moléculaire (par exemple, covalente ou ionique) dont la composition est définie par un rapport constant d'éléments et peut être représentée par un diagramme structurel définitif. ... Les composés distincts de définition chimique du présent chapitre peuvent contenir des impuretés.

8        Selon la note relative à la position 53.02 de la convention SH, cette position couvre :

(1) Le chanvre brut tel qu'il est récolté, que les feuilles et les graines aient été enlevées ou non.

(2) Chanvre roui dont les fibres sont encore attachées à la partie ligneuse de la plante, mais ont été détachées par le rouissage.

(3) Chanvre teillé qui comprend les fibres isolées, parfois d'une longueur de 2 m ou plus, séparées de la plante par teillage.

(4) Chanvre peigné ou fibres de chanvre autrement préparées pour la filature, généralement sous forme de rubans ou de mèches.

(5) Étoupes et déchets de chanvre. Il s'agit des déchets obtenus au cours des opérations de teillage ou de peignage, des déchets de fils obtenus au cours des opérations de filature, de tissage, etc. et des effilochés obtenus à partir de chiffons, de déchets de cordes ou de cordages, etc. Les étoupes et les déchets sont classés ici selon qu'ils sont aptes à être filés (même sous forme de mèches) ou seulement à être utilisés comme matériaux de calfeutrage, de rembourrage, de fabrication de papier, etc.

 La convention unique

9        Article 1er de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, telle que modifiée par le Protocole de 1972 portant amendement de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, conclu à New York le 30 mars 1961 (Série des traités des Nations unies, vol. 520, n° 7515 ; "la Convention unique"), prévoit ce qui suit :

'1. Sauf indication contraire expresse ou si le contexte l'exige, les définitions suivantes s'appliquent à l'ensemble de la Convention :

...

(b) "Cannabis" : les sommités fleuries ou fructifiées de la plante de cannabis (à l'exclusion des graines et des feuilles lorsqu'elles ne sont pas accompagnées de sommités) dont la résine n'a pas été extraite, quel que soit le nom qui leur est donné.

(c) "plante de cannabis" : toute plante du genre Cannabis.

...

(j) "drogue" : toute substance figurant dans les tableaux I et II, qu'elle soit naturelle ou synthétique.

...'

10      La liste des stupéfiants figurant au tableau I de la convention unique comprend le cannabis, la résine de cannabis, les extraits et les teintures de cannabis.

 La convention sur les substances psychotropes

11      La convention sur les substances psychotropes de 1971, conclue à Vienne le 21 février 1971 (Série des traités des Nations uniesLa convention sur les substances psychotropes, vol. 1019, n° 14956 ; "la convention sur les substances psychotropes"), prévoit, à son article 1er , point e), ce qui suit :

Sauf indication contraire expresse ou lorsque le contexte l'exige, les termes suivants de la présente convention ont la signification indiquée ci-dessous :

...

(e) "Substance psychotrope" : toute substance, naturelle ou synthétique, ou toute matière naturelle figurant au tableau I, II, III ou IV [de la présente convention].

 Droit de l'Union européenne

 Décision-cadre 2004/757/JAI

12      La décision-cadre 2004/757/JAI du Conseil du 25 octobre 2004 concernant l'établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue (JO L 335, p. 8) prévoit, à son article premier, ce qui suit

Aux fins de la présente décision-cadre :

1. "drogues" : toute substance couverte par les conventions des Nations unies suivantes :

(a) la [convention unique] ;

(b) la [Convention sur les substances psychotropes]. Elle comprend également les substances soumises à des contrôles au titre de l'action commune 97/396/JAI du 16 juin 1997 [adoptée par le Conseil sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne] relative à l'échange d'informations, à l'évaluation des risques et au contrôle des nouvelles drogues de synthèse [(JO L 167, p. 1)]".

13      Conformément à l'article 2, paragraphe 1, point a), de la décision-cadre 2004/757, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que soient punis les comportements intentionnels suivants lorsqu'ils sont commis sans droit : la production, la fabrication, l'extraction, la préparation, l'offre, la mise en vente, la distribution, la vente, la livraison à quelque titre que ce soit, le courtage, l'expédition, l'expédition en transit, le transport, l'importation ou l'exportation de stupéfiants. L'article 2, paragraphe 2, de cette décision-cadre précise que les comportements décrits au paragraphe 1 de celle-ci ne sont pas inclus dans le champ d'application de ladite décision-cadre lorsqu'ils sont commis par leurs auteurs exclusivement pour leur consommation personnelle telle que définie par le droit national.

 La Convention d'application de l'Accord de Schengen

14      La convention d'application de l'accord de Schengen, du 14 juin 1985, entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes (JO 2000, L 239, p. 19), signée à Schengen le 19 juin 1990 et entrée en vigueur le 26 mars 1995 (ci-après la "convention d'application de l'accord de Schengen"), fait partie de l'acquis de Schengen, tel que visé à l'article 1er , paragraphe 2, de la décision 1999/435/CE du Conseil, du 20 mai 1999, relative à la définition de l'acquis de Schengen en vue de déterminer, conformément aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne, la base juridique de chacune des dispositions ou décisions qui constituent l'acquis (JO L 176, p. 1).

15      L'article 71, paragraphe 1, de cette convention prévoit que les parties contractantes s'engagent, en ce qui concerne la vente directe ou indirecte de stupéfiants et de substances psychotropes de quelque nature que ce soit, y compris le cannabis, et la détention de ces produits et substances pour la vente ou l'exportation, à adopter, conformément aux conventions existantes des Nations unies, toutes les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.

 Règlement n° 1307/2013

16      L'article 1er, point a), du règlement n° 1307/2013 dispose :

Le présent règlement établit :

(a) des règles communes concernant les paiements accordés directement aux agriculteurs au titre des régimes de soutien énumérés à l'annexe I ("paiements directs")".

17      En vertu de l'article 4, paragraphe 1, point d), de ce règlement :

Aux fins du présent règlement, les définitions suivantes s'appliquent :

...

(d) "produits agricoles" : les produits, à l'exception des produits de la pêche, énumérés à l'annexe I des traités ainsi que le coton.

18      L'article 32, paragraphe 6, de ce règlement prévoit :

Les surfaces utilisées pour la production de chanvre ne sont des hectares éligibles que si les variétés utilisées ont une teneur en tétrahydrocannabinol ne dépassant pas 0,2%.

19      L'article 35, paragraphe 3, du même règlement prévoit :

Afin de préserver la santé publique, la Commission [européenne] est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l'article 70 établissant les règles subordonnant l'octroi des paiements à l'utilisation de semences certifiées de certaines variétés de chanvre et la procédure de détermination des variétés de chanvre et de vérification de leur teneur en tétrahydrocannabinol visée à l'article 32, paragraphe 6.

 Règlement n° 1308/2013

20      L'article 1, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1308/2013 prévoit :

'1. Le présent règlement établit une organisation commune des marchés pour les produits agricoles, c'est-à-dire tous les produits énumérés à l'annexe I des traités, à l'exception des produits de la pêche et de l'aquaculture tels que définis dans les actes législatifs de l'Union relatifs à l'organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture.

2. Les produits agricoles définis au paragraphe 1 sont répartis dans les secteurs suivants, tels qu'ils sont énumérés dans les parties respectives de l'annexe I :

...

(h) le lin et le chanvre, partie VIII ;

...'

21      L'annexe I, partie VIII, de ce règlement mentionne dans la liste des produits visés à l'article 1er , paragraphe 2, dudit règlement, entre autres, le "True hemp (Cannabis sativa L.) bruts ou travaillés, mais non filés ; étoupes et déchets de chanvre (y compris les déchets de fils et les effilochés)".

22      L'article 189 du même règlement, qui contient des dispositions particulières relatives à l'importation de chanvre, prévoit que :

'1. Les produits suivants ne peuvent être importés dans l'Union [européenne] que si les conditions suivantes sont remplies :

(a) le chanvre brut relevant du code NC 5302 10 00 répondant aux conditions fixées à l'article 32, paragraphe 6, et à l'article 35, paragraphe 3, du règlement [n° 1307/2013] ;

(b) les semences des variétés de chanvre relevant du code NC ex 1207 99 20 destinées à l'ensemencement, accompagnées de la preuve que le taux de tétrahydrocannabinol de la variété concernée ne dépasse pas celui fixé conformément à l'article 32, paragraphe 6, et à l'article 35, paragraphe 3, du règlement [n° 1307/2013] ;

(c) les graines de chanvre non destinées à l'ensemencement, relevant du code NC 1207 99 91 et importées uniquement par des importateurs agréés par l'État membre afin de s'assurer que ces graines ne sont pas destinées à l'ensemencement.

2. Le présent article s'applique sans préjudice des dispositions plus restrictives adoptées par les États membres, dans le respect du [traité UE] et des obligations découlant de [l'accord sur l'agriculture, figurant à l'annexe 1A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce, approuvé au nom de la Communauté européenne par l'article 1er, paragraphe 1, premier tiret, de la décision 94/800/CE du Conseil du 22 décembre 1994 relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l'Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1)]".

 Droit français

 Le code de la santé publique

23      L'article L. 5132-1 du code de la santé publique, dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le "code de la santé publique"), dispose :

Les substances suivantes sont considérées comme des substances vénéneuses :

...

2° Les substances stupéfiantes ;

3° Substances psychotropes ;

...

"Substances" : les éléments chimiques et leurs composés tels qu'ils se présentent à l'état naturel ou tels qu'ils sont produits par l'industrie, y compris les additifs nécessaires à leur mise sur le marché.

...'

24      Le premier alinéa de l'article L. 5132-8 du code de la santé publique prévoit :

La production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, la fourniture, la cession, l'acquisition et l'emploi de plantes, substances ou préparations classées comme vénéneuses sont soumis à des conditions définies par des décrets en Conseil d'État.

25      L'article R. 5132-86 (1) et (2) du code de la santé publique prévoit :

I. - Sont interdits la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, la fourniture, le transfert, l'acquisition ou l'utilisation :

1° Le cannabis, les plantes de cannabis et la résine de cannabis, les produits contenant du cannabis ou les produits obtenus à partir du cannabis, des plantes de cannabis ou de la résine de cannabis ;

2° Les tétrahydrocannabinols, à l'exception du delta-9-tétrahydrocannabinol, les esters, éthers et sels de tétrahydrocannabinol, les sels des dérivés précités, ainsi que les produits qui en contiennent.

II. - Des dérogations peuvent être accordées aux dispositions ci-dessus à des fins de recherche et d'expérimentation et pour la fabrication de dérivés autorisés par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

La culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis ne possédant pas de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant ces variétés peuvent être autorisées, sur proposition du directeur général de l'agence, par arrêté des ministres chargés de l'agriculture, des douanes, de l'industrie et de la santé".

 L'arrêté du 22 août 1990

26      L'article 1er de l'arrêté du 22 août 1990 portant application de l'article R. 5132-86 du code de la santé publique en ce qui concerne le cannabis (JORF du 4 octobre 1990, p. 12041), dans sa version applicable au litige au principal ("l'arrêté du 22 août 1990"), dispose :

Sont autorisées au titre de l'article R. 5181 du code précité la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale (fibres et semences) des variétés de Cannabis sativa L. répondant aux critères suivants :

- la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol de ces variétés ne dépasse pas 0,2% ;

- la détermination de la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol et le prélèvement d'échantillons aux fins de cette détermination sont effectués conformément à la méthode [de l'Union] prévue à l'annexe.

...'

 La circulaire du 23 juillet 2018

27      Dans la circulaire du ministère de la Justice du 23 juillet 2018 relative au régime juridique applicable aux établissements proposant des produits du cannabis en vente publique (coffee shops) (2018/F/0069/FD2) ("la circulaire du 23 juillet 2018"), l'arrêté du 22 août 1990 est interprété comme suit :

La culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation du chanvre ne sont autorisées que si :

- la plante provient d'une des variétés de Cannabis sativa L. prévue par l'ordonnance [du 22 août 1990],

- seules les fibres et les graines de la plante sont utilisées,

- la plante elle-même contient moins de 0,2% de delta-9-tétrahydrocannabinol.

Contrairement à l'argument parfois avancé par les établissements proposant à la vente des produits à base de cannabidiol, la teneur autorisée en delta-9-tétrahydrocannabinol de 0,2% s'applique à la plante de cannabis et non au produit fini qui en est issu.

...

Il convient de noter que le cannabidiol se trouve principalement dans les feuilles et les fleurs de la plante, et non dans les fibres et les graines. Par conséquent, en l'état actuel de la législation applicable, il ne semble pas possible d'extraire le cannabidiol dans des conditions conformes au Code de la santé publique.

...'

 Le litige au principal et la question préjudicielle

28      B S et C A sont les anciens dirigeants de Catlab SAS, une société créée en 2014 pour commercialiser Kanavape, des kits alpha-CAT permettant de tester la qualité du cannabidiol (" CBD ") et de l'huile de chanvre. Kanavape est une cigarette électronique dont le liquide contient du CBD ; elle devait être distribuée via Internet et un réseau de vendeurs de cigarettes électroniques. Le CBD est généralement extrait de l'huile de chanvre.Cannabis sativaou "chanvre", car cette variété en contient naturellement une grande quantité, tout en ne contenant qu'une faible quantité de tétrahydrocannabinol ("THC").

29      Le CBD utilisé dans Kanavape a été produit en République tchèque à partir de l'intégralité du CBD. Cannabis sativa qui avait également été cultivée localement. Elle a été importée en France par la société Catlab, qui l'a conditionnée dans des cartouches pour cigarettes électroniques.

30      Suite à une campagne d'information pour promouvoir le lancement du produit Kanavape menée par Catlab en 2014, une enquête a été ouverte et l'Agence nationale de sécurité sanitaire des produits de santé ("l'ANSM") a été saisie.

31      Le laboratoire de l'ANSM a testé les cartouches de Kanavape disponibles sur le marché et, bien que des différences significatives aient été constatées dans la teneur en CBD de ces cartouches, le taux de THC présent dans les produits testés était toujours inférieur au seuil légalement autorisé. En juillet 2016, à l'issue d'une réunion de sa commission des stupéfiants et des substances psychotropes, l'ANSM a indiqué qu'elle ne considérait pas Kanavape comme un "médicament".

32      Par un jugement du 8 janvier 2018, le tribunal correctionnel de Marseille a notamment déclaré B S et C A coupables de plusieurs chefs d'infraction, dont des infractions à la législation sur les substances vénéneuses. Les requérants au principal ont été condamnés respectivement à des peines d'emprisonnement avec sursis de 18 mois et de 15 mois, ainsi qu'à une amende de 10 000 euros chacun. Sur le plan civil, les requérants ont été condamnés solidairement à payer 5 000 euros en réparation du préjudice subi par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens et 600 euros au titre du code de procédure pénale.

33      Les requérants au principal ont formé des pourvois contre cet arrêt devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence (France), respectivement les 11 et 12 janvier 2018. Devant la juridiction de renvoi, elles soutiennent, notamment, que l'interdiction de la commercialisation du CBD à partir du Cannabis sativa est contraire à la législation de l'UE.

34      La juridiction de renvoi explique que le CBD ne semble pas avoir "d'effets psychoactifs reconnus". En effet, elle relève que l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dans un rapport de 2017, a recommandé de le retirer de la liste des substances dopantes, que le CBD ne figure pas en tant que tel dans la convention unique, que l'ANSM a conclu, le 25 juin 2015, à l'insuffisance des données permettant de le qualifier de "nocif" et, enfin, que l'expert désigné dans le cadre de l'enquête pénale à l'origine des poursuites engagées contre les requérants au principal a conclu à un effet ""faible ou nul" sur le système nerveux central". Par ailleurs, le CBD n'est expressément mentionné ni dans les textes applicables au chanvre industriel ni dans ceux relatifs au cannabis en tant que stupéfiant.

35      Néanmoins, étant donné que le CBD présent dans le Kanavape provient du Cannabis sativa plante dans son intégralité, il doit être considéré comme un produit issu des parties de cette plante autres que les graines et les fibres, dont la commercialisation, selon l'article 1er de l'arrêté du 22 août 1990, tel qu'interprété par la circulaire du 23 juillet 2018, n'est pas autorisée.

36      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s'interroge sur la compatibilité de cette disposition avec le droit de l'Union européenne, estimant que "le vrai chanvre (Cannabis sativa), bruts ou travaillés, mais non filés ; étoupes et déchets de chanvre (y compris les chiffons et cordages arrachés ou grenelés)" figure au chapitre 57 de la convention SH, visé à l'annexe I des traités, et qu'il doit donc être considéré comme un produit agricole, au sens de l'article 38 du TFUE, qui met en place un marché intérieur fondé sur la libre circulation des marchandises.

37      Il apparaît à la juridiction de renvoi que, dès lors que le taux de THC dans le chanvre commercialisé légalement dans d'autres États membres est inférieur à 0,2%, comme c'est le cas dans l'affaire au principal, le CBD ne peut pas être qualifié de "stupéfiant". En effet, selon les arrêts du 26 octobre 1982, Loup (221/81, EU:C:1982:363), et du 28 mars 1995, Evans Medical et Macfarlan Smith (C-324/93, EU:C:1995:84), seul un produit dont la nocivité est démontrée ou généralement reconnue et dont l'importation et la commercialisation sont interdites dans tous les États membres peut être classé comme tel.

38      En outre, la juridiction de renvoi considère que les règlements n° 1307/2013 et n° 1308/2013 sont applicables au chanvre.

39      Par ailleurs, si l'article 189 du règlement n° 1308/2013 autorise l'importation de chanvre brut sous certaines conditions et fixe des limites relatives à certaines semences, cet article 189 doit "s'appliquer sans préjudice des règles plus restrictives adoptées par les États membres dans le respect du [traité de l'UEF] et des obligations découlant de [l'accord sur l'agriculture, inclus dans l'annexe 1A de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce]".

40      À cet égard, il apparaît à la juridiction de renvoi que les conditions cumulatives posées par la Cour de justice pour considérer une mesure nationale "plus restrictive", au sens dudit article 189, comme compatible avec le traité UEF ne sont pas remplies.

41      L'objectif de santé publique lui semble déjà pris en considération dans le règlement n° 1308/2013 dans la mesure où ce règlement limite son champ d'application aux variétés fournissant des garanties à déterminer en ce qui concerne la teneur en substances intoxicantes et adopte, d'une part, une restriction concernant les semences et, d'autre part, un niveau de 0,2% en ce qui concerne la teneur en THC du chanvre.

42      Par ailleurs, il ne lui semble pas possible de se fonder sur le principe de proportionnalité puisque, dans la circulaire du 23 juillet 2018, la République française, pour justifier l'interdiction du CBD naturel, se fonde sur une interdiction qui ne pourrait pas s'étendre à la commercialisation du CBD de synthèse présentant les mêmes caractéristiques et effets.

43      Dans ces conditions, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice la question préjudicielle suivante :

"Les règlements n° 1307/2013 et n° 1308/2013, ainsi que le principe de la libre circulation des marchandises, doivent-ils être interprétés en ce sens que les dispositions dérogatoires introduites par le décret du 22 août 1990, en limitant la culture, l'industrialisation et la commercialisation du chanvre aux seules fibres et graines, imposent une restriction non conforme au droit [de l'UE] ?".

 Examen de la question préjudicielle

44      Bien que la juridiction de renvoi se réfère, dans le libellé de sa question, à la limitation de "la culture, l'industrialisation et la commercialisation du chanvre aux seules fibres et graines", il ressort de ses propres explications que la question posée ne peut être pertinente pour l'affaire au principal que dans la mesure où elle concerne la conformité au droit de l'Union des législations nationales qui interdisent la commercialisation du CBD lorsqu'il est extrait de la plante. Cannabis sativa la plante dans sa totalité et pas seulement à partir de ses fibres et de ses graines.

45      Il y a donc lieu de considérer que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les règlements n° 1307/2013 et n° 1308/2013 ainsi que les articles 34 et 36 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale dans la mesure où celle-ci interdit la commercialisation du CBD lorsqu'il est extrait du Cannabis sativa la plante dans sa totalité et pas seulement à partir de ses fibres et de ses graines.

 Sur l'interprétation des règlements n° 1307/2013 et n° 1308/2013

46      Le champ d'application du règlement n° 1308/2013 est défini à son article 1er, paragraphe 1, comme établissant une organisation commune des marchés pour les produits agricoles, c'est-à-dire tous les produits énumérés à l'annexe I des traités, à l'exception des produits de la pêche et de l'aquaculture tels que définis dans les actes législatifs de l'UE relatifs à l'organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture.

47      Lorsque les dispositions du règlement n° 1307/2013 mentionnent les produits agricoles, elles se réfèrent, conformément à son article 4, paragraphe 1, point d), aux produits, à l'exception des produits de la pêche, énumérés à l'annexe I des traités, ainsi qu'au coton.

48      À cet égard, il convient de souligner que l'annexe I des traités, à laquelle ces dispositions se réfèrent, contient, entre autres, une référence à la position 57.01 de la convention SH, devenue la position 53.02 de celle-ci. Cette position comprend le "chanvre (Cannabis sativa), bruts ou travaillés, mais non filés ; étoupes et déchets de chanvre (y compris les chiffons et cordages arrachés ou grenaillés)".

49      Selon les notes explicatives du SH, qui constituent une aide importante pour l'interprétation du champ d'application des différentes positions tarifaires mais n'ont pas de force juridique contraignante (arrêt du 13 septembre 2018, Vision Research EuropeC-372/17, EU:C:2018:708, point 23), la position 53.02 de la convention SH couvre le "chanvre brut tel que récolté, même débarrassé des feuilles et des graines", le "chanvre roui dont les fibres sont encore attachées à la partie ligneuse de la plante, mais ont été détachées par le rouissage", le "chanvre teillé qui comprend les fibres isolées, parfois d'une longueur de 2 m ou plus, séparées de la plante par teillage", le "chanvre peigné ou les fibres de chanvre autrement préparées pour la filature, généralement sous forme de copeaux ou de mèches" et les "étoupes et déchets de chanvre".

50      C A a fait valoir, sans être contredite par les autres parties intéressées à la procédure devant la Cour, que la CDB en cause au principal a été extraite de la Cannabis sativa dans son intégralité par le processus d'extraction du dioxyde de carbone (CO2).

51      Ainsi, comme l'a relevé l'avocat général au point 35 de ses conclusions, ce produit ne constitue ni du chanvre brut, puisqu'il n'est pas récolté, ni du chanvre roui ou teillé, ni des fibres libériennes, puisque le processus d'extraction n'implique pas la séparation de la fibre du reste de la plante.

52      Contrairement à ce que soutiennent les requérants au principal, il y a donc lieu de considérer que la CDB extraite des Cannabis sativa ne peut pas être considérée comme relevant de la position 57.01 de la convention SH, actuellement position 53.02, visée à l'annexe I des traités.

53      Cela étant, il convient de noter que le chapitre 29 de la convention SH comprend les produits chimiques organiques et que sa position 29.32 énumère les composés hétérocycliques comportant uniquement des hétéroatomes d'oxygène, y compris le THC, et les cannabinoïdes tels que le CBD.

54      Selon les notes explicatives du SH, le chapitre 29 de la convention SH couvre les composés séparés chimiquement définis, ces composés étant des substances constituées d'une espèce moléculaire dont la composition est définie par un rapport constant d'éléments, qui peuvent être représentées par un seul diagramme structurel et qui peuvent contenir des impuretés.

55      Ainsi, dans la mesure où le produit en cause au principal est présenté de telle manière qu'il ne contient pas de composés autres que le CBD, à l'exception d'impuretés, il relève de la position 29.32 de la convention SH.

56      Il résulte de ce qui précède que, puisque la liste des produits agricoles visés à l'annexe I des traités ne mentionne pas la position 29.32 de la convention SH, la CDB présente dans l'ensemble de l'Union européenne ne peut être considérée comme un produit agricole. Cannabis sativa ne peut être considérée comme un produit agricole et, par conséquent, ne peut être considérée comme un produit couvert par les règlements n° 1307/2013 et n° 1308/2013.

57      En effet, comme l'a relevé l'avocat général au point 36 de ses conclusions, seuls les produits visés à l'article 4, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1307/2013 et à l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1308/2013 sont couverts par ces règlements.

58      Dans ces conditions, il convient de conclure que les règlements n° 1307/2013 et n° 1308/2013 doivent être interprétés comme ne s'appliquant pas au CBD.

 Sur l'interprétation des articles 34 et 36 du TFUE

59      A titre préliminaire, il convient de rappeler que la nocivité des stupéfiants, y compris ceux issus du chanvre, comme le cannabis, étant généralement reconnue, leur commercialisation est interdite dans tous les Etats membres, à l'exception d'un commerce strictement contrôlé à des fins médicales et scientifiques (arrêt du 16 décembre 2010, JosemansC-137/09, EU:C:2010:774, point 36).

60      Cette situation juridique est conforme à divers instruments internationaux auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré, tels que la Convention unique et la Convention sur les substances psychotropes. Les mesures prévues par ces instruments ont ensuite été renforcées et complétées par la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, conclue à Vienne le 20 décembre 1988 (Série des traités des Nations unies(voir, à cet égard, l'arrêt de la Cour du 16 décembre 2004, p. 1582, n° 1-27627), à laquelle tous les États membres et l'Union européenne sont parties. Cette position juridique est également justifiée au regard du droit de l'Union européenne et, en particulier, de la décision-cadre 2004/757 et de l'article 71, paragraphe 1, de la convention d'application de l'accord de Schengen (voir, en ce sens, l'arrêt du 16 décembre 2010, JosemansC-137/09, EU:C:2010:774, paragraphes 37 à 40).

61      Il s'ensuit que les stupéfiants qui ne sont pas distribués par des canaux strictement contrôlés par les autorités compétentes pour être utilisés à des fins médicales et scientifiques font l'objet, en raison de leur nature même, d'une interdiction d'importation et de mise en vente dans tous les États membres (arrêt du 16 décembre 2010, JosemansC-137/09, EU:C:2010:774, point 41).

62      Les stupéfiants qui ne sont pas distribués dans ces circuits strictement contrôlés étant interdits d'accès aux circuits économiques et commerciaux de l'Union européenne, les personnes qui commercialisent ces produits ne peuvent pas se prévaloir des libertés de circulation ou du principe de non-discrimination, en ce qui concerne la commercialisation du cannabis (arrêt du 16 décembre 2010, JosemansC-137/09, EU:C:2010:774, point 42).

63      Il convient donc de déterminer si le CBD en cause au principal constitue un stupéfiant au sens de la jurisprudence citée aux points 59 à 62 du présent arrêt.

64      À cet égard, il convient de noter que cette substance n'est pas couverte par la convention sur les substances psychotropes ni par l'action commune 97/396, visée à l'article 1er , paragraphe 1, point b), de la décision-cadre 2004/757.

65      Par conséquent, il convient de déterminer si la CDB en cause au principal est couverte par la convention unique, mentionnée à l'article 1er , paragraphe 1, sous a), de la décision-cadre 2004/757 et également visée à l'article 71, paragraphe 1, de la convention d'application de l'accord de Schengen.

66      En ce qui concerne l'interprétation d'une convention internationale telle que la convention unique, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un traité international doit être interprété en fonction des termes dans lesquels il est libellé et à la lumière de ses objectifs. L'article 31 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (Série des traités des Nations uniesvol. 1155, p. 331), et l'article 31 de la Convention de Vienne du 21 mars 1986 sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales (Documents officiels de la conférence des Nations unies sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationalesvol. II, p. 91), qui expriment à cet effet le droit international coutumier général, énoncent qu'un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but (voir, en ce sens, l'arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAAC-344/04, EU:C:2006:10, paragraphe 40).

67      Il résulte du préambule de la Convention unique que les parties se déclarent, entre autres, soucieuses de la santé et du bien-être de l'humanité et conscientes de leur devoir de prévenir et de combattre la toxicomanie.

68      Selon l'article 1, paragraphe 1, point j), de la convention unique, le terme "drogue" désigne l'une des substances des tableaux I et II de cette convention, qu'elle soit naturelle ou synthétique. Le tableau I de cette convention comprend, entre autres, le cannabis, la résine de cannabis et les extraits et teintures de cannabis.

69      En outre, les termes "cannabis" et "plante de cannabis" sont définis à l'article 1er, paragraphe 1, points b) et c), de la convention unique comme "les sommités fleuries ou fructifères de la plante de cannabis (à l'exclusion des graines et des feuilles lorsqu'elles ne sont pas accompagnées de sommités) dont la résine n'a pas été extraite, quel que soit le nom qu'on leur donne", et comme "toute plante du genre Cannabis", respectivement.

70      Dans le cas d'espèce, il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour que la CDB en cause dans l'affaire au principal est extraite de la Cannabis sativa la plante dans son ensemble et non pas seulement à partir des graines et des feuilles de cette plante, à l'exclusion des sommités fleuries ou fructifères.

71      Dans ces conditions, il est vrai qu'une interprétation littérale des dispositions de la convention unique pourrait conduire à la conclusion que, dans la mesure où le CBD est extrait d'une plante de l'Union européenne, il n'est pas nécessaire de l'extraire d'une plante de l'Union européenne. Cannabis et que cette plante est utilisée dans son intégralité - y compris ses sommités fleuries ou fructifères - elle constitue un extrait de cannabis au sens du tableau I de cette convention et, par conséquent, une "drogue" au sens de l'article 1er, paragraphe 1, point j), de cette convention.

72      Toutefois, force est de constater qu'il résulte des éléments du dossier soumis à la Cour, qui sont résumés au point 34 du présent arrêt, que le CBD en cause au principal n'apparaît avoir aucun effet psychotrope ni aucun effet nocif sur la santé humaine sur la base des données scientifiques disponibles. En outre, selon ces éléments du dossier, la variété de cannabis dont cette substance a été extraite, cultivée légalement en République tchèque, a une teneur en THC ne dépassant pas 0,2%.

73      Ainsi qu'il ressort du point 67 du présent arrêt, la convention unique est fondée, notamment, sur un objectif de protection de la santé et du bien-être de l'humanité. Il convient donc de tenir compte de cet objectif lors de l'interprétation des dispositions de cette convention.

74      Une telle approche est d'autant plus convaincante que la lecture du commentaire de la convention unique publié par les Nations unies relatif à la définition du "cannabis" aux fins de cette convention permet de conclure que, eu égard à l'objet et à l'esprit général de celle-ci, cette définition est intrinsèquement liée à l'état des connaissances scientifiques en matière de nocivité des produits dérivés du cannabis pour la santé humaine. À titre d'illustration, il ressort ainsi notamment de ce commentaire que l'exclusion de la définition du cannabis figurant à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la même convention des sommités fleuries ou fructifères dont la résine a été extraite était justifiée par le fait que ces sommités ne contiennent qu'une quantité négligeable de principe psychoactif.

75      Au vu de ces éléments, qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, il y a lieu de considérer que, le CBD ne contenant pas d'ingrédient psychoactif en l'état actuel des connaissances scientifiques rappelées au point 34 du présent arrêt, il serait contraire à la finalité et à l'esprit général de la convention unique de l'inclure dans la définition des "stupéfiants" au sens de cette convention en tant qu'extrait de cannabis.

76      Il s'ensuit que le CBD en cause au principal n'est pas un médicament au sens de la convention unique.

77      En outre, il est important d'ajouter que, comme la Commission l'a également souligné, le CBD en cause dans la procédure au principal a été légalement produit et commercialisé en République tchèque.

78      À la lumière de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les articles 34 et 36 du TFUE sont applicables à la CDB en cause au principal.

79      À cet égard, il convient de rappeler que la libre circulation des marchandises entre les États membres est un principe fondamental du traité de l'UE qui se traduit par l'interdiction, énoncée à l'article 34 du TFUE, des restrictions quantitatives à l'importation entre les États membres et de toutes mesures d'effet équivalent (arrêt du 18 juin 2019, Autriche v AllemagneC-591/17, EU:C:2019:504, point 119).

80      Selon une jurisprudence constante, l'interdiction des mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives à l'importation prévue à l'article 34 TFUE couvre toute mesure des États membres susceptible d'entraver, directement ou indirectement, effectivement ou potentiellement, les échanges intracommunautaires (arrêt du 18 juin 2019, Autriche v AllemagneC-591/17, EU:C:2019:504, point 120).

81      Par ailleurs, une mesure, même si elle n'a ni pour objet ni pour effet de traiter moins favorablement des marchandises provenant d'autres États membres, relève également de la notion de " mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives ", au sens de l'article 34 TFUE, si elle entrave l'accès au marché d'un État membre de produits originaires d'autres États membres (arrêt du 18 juin 2019, Autriche v AllemagneC-591/17, EU:C:2019:504, point 121).

82      En l'espèce, il n'est pas contesté que l'interdiction de commercialiser du CBD légalement produit dans un autre État membre - lorsqu'il est extrait de l'usine de transformation de l'huile de palme - ne s'applique pas. Cannabis sativa Le fait de ne pas utiliser la plante dans son intégralité, et pas seulement ses fibres et ses graines, constitue une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l'article 34 du TFUE.

83      Toutefois, il ressort d'une jurisprudence constante qu'une telle mesure peut être justifiée par l'un des motifs d'intérêt général énoncés à l'article 36 TFUE ou par des exigences impératives. Dans les deux cas, la disposition de droit national doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (arrêt du 18 juin 2019, Autriche v AllemagneC-591/17, EU:C:2019:504, point 122).

84      En outre, une mesure restrictive ne peut être considérée comme un moyen approprié pour garantir la réalisation de l'objectif poursuivi que si elle reflète véritablement le souci de garantir la réalisation de cet objectif de manière cohérente et systématique (arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association et autres, C-333/14, EU:C:2015:845, point 37).

85      Dans la mesure où la République française prétend que l'objectif de sa législation interdisant la commercialisation de produits dérivés de parties de la Cannabis végétale autre que ses fibres et ses graines est de protéger la santé publique comme le prévoit l'article 36 TFUE, il convient de rappeler que la santé et la vie des personnes figurent au premier rang des biens et des intérêts protégés par le traité UEF et qu'il appartient aux États membres de déterminer le niveau de protection qu'ils souhaitent accorder à la santé publique ainsi que la manière dont ce niveau doit être atteint. Ce niveau pouvant varier d'un État membre à l'autre, il convient de laisser aux États membres une certaine marge d'appréciation (arrêt du 19 octobre 2016, Deutsche Parkinson VereinigungC-148/15, EU:C:2016:776, point 30).

86      Ce pouvoir d'appréciation relatif à la protection de la santé publique est particulièrement étendu lorsqu'il est démontré que des incertitudes subsistent en l'état actuel de la recherche scientifique quant à certaines substances utilisées par les consommateurs (voir, en ce sens, l'arrêt du 28 janvier 2010, La Commission v FranceC-333/08, EU:C:2010:44, paragraphe 86).

87      L'article 36 TFUE comportant une exception, qui doit être interprétée de manière stricte, à la libre circulation des marchandises au sein de l'Union européenne, il appartient aux autorités nationales qui l'invoquent de démontrer dans chaque cas, en tenant compte des résultats de la recherche scientifique internationale, que leur réglementation est nécessaire pour protéger efficacement les intérêts visés par cette disposition, et, en particulier, que la commercialisation des produits en cause constitue une véritable menace pour la santé publique qui doit faire l'objet d'un examen approfondi (arrêt du 28 janvier 2010, La Commission v FranceC-333/08, EU:C:2010:44, paragraphes 87 et 88).

88      Une décision d'interdiction de mise sur le marché, qui constitue en effet l'entrave la plus restrictive aux échanges de produits légalement fabriqués et commercialisés dans d'autres États membres, ne peut être adoptée que si le risque réel allégué pour la santé publique apparaît suffisamment établi sur la base des dernières données scientifiques disponibles à la date de l'adoption d'une telle décision. Dans un tel contexte, l'évaluation des risques à laquelle doit procéder l'État membre a pour objet d'apprécier le degré de probabilité des effets nocifs sur la santé humaine de l'utilisation des produits interdits et la gravité de ces effets potentiels (arrêt du 28 janvier 2010, La Commission v France, C-333/08, EU:C:2010:44, point 89).

89      Dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation en matière de protection de la santé publique, les États membres doivent respecter le principe de proportionnalité. Les moyens qu'ils choisissent doivent donc être limités à ce qui est effectivement nécessaire pour assurer la sauvegarde de la santé publique ; ils doivent être proportionnés à l'objectif ainsi poursuivi, qui n'aurait pas pu être atteint par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires (arrêt du 28 janvier 2010, La Commission v France, C-333/08, EU:C:2010:44, point 90).

90      Il est vrai que l'évaluation à laquelle un État membre est tenu de procéder peut révéler un degré élevé d'incertitude scientifique et pratique à cet égard. Cette incertitude, indissociable du concept de précaution, influence l'étendue du pouvoir d'appréciation de l'État membre et a donc une incidence sur les modalités d'application du principe de proportionnalité. Dans ces conditions, il faut admettre qu'un État membre peut, en vertu du principe de précaution, prendre des mesures de protection sans devoir attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Toutefois, l'évaluation du risque ne peut être fondée sur des considérations purement hypothétiques (arrêt du 28 janvier 2010, La Commission v France, C-333/08, EU:C:2010:44, point 91).

91      Une application correcte du principe de précaution suppose, d'une part, l'identification des conséquences potentiellement négatives pour la santé de l'utilisation proposée de la substance en cause et, d'autre part, une évaluation complète du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale (arrêt du 28 janvier 2010, La Commission v France, C-333/08, EU:C:2010:44, point 92).

92      Lorsqu'il s'avère impossible de déterminer avec certitude l'existence ou l'ampleur du risque allégué en raison de l'insuffisance, du caractère non concluant ou de l'imprécision des résultats des études menées, mais que la probabilité d'un dommage réel pour la santé publique persiste en cas de réalisation du risque, le principe de précaution justifie l'adoption de mesures restrictives, à condition qu'elles soient non discriminatoires et objectives (arrêt du 28 janvier 2010, La Commission v France, C-333/08, EU:C:2010:44, point 93).

93      Certes, c'est à la lumière de la jurisprudence citée aux points 83 à 92 du présent arrêt qu'il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si l'interdiction de commercialiser du CBD légalement produit dans un autre État membre - lorsqu'elle est extraite de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique - est justifiée par le fait que le CBD a été produit dans un autre État membre. Cannabis sativa L'interdiction d'utiliser la plante dans son intégralité et non pas seulement ses fibres et ses graines - est propre à garantir la réalisation de l'objectif de protection de la santé publique et n'excède pas ce qui est nécessaire à cette fin. Toutefois, il appartient à la Cour de justice de fournir à la juridiction nationale toutes les informations nécessaires en vue de l'orienter dans cette détermination.

94      En ce qui concerne la question de savoir si cette interdiction est appropriée pour garantir la réalisation de l'objectif de protection de la santé publique, il convient de rappeler qu'il est apparu, lors de l'audition, que cette interdiction n'affecterait pas la commercialisation du CBD synthétique ayant les mêmes propriétés que le CBD extrait du Cannabis sativa Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier cette circonstance qui, si elle était avérée, serait de nature à indiquer que la législation au principal n'était pas appropriée pour atteindre cet objectif de manière cohérente et systématique. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier cette circonstance qui, si elle était avérée, serait de nature à indiquer que la réglementation dans l'affaire au principal n'était pas appropriée pour atteindre cet objectif de manière cohérente et systématique.

95      En ce qui concerne la nécessité d'interdire la commercialisation du CBD lorsqu'il est extrait de l'huile de palme, la Commission a décidé d'interdire la commercialisation du CBD lorsqu'il est extrait de l'huile de palme. Cannabis sativa plante dans sa totalité et non pas seulement à partir de ses fibres et de ses graines, il convient de relever que la République française n'est pas tenue de démontrer que la propriété dangereuse d'un tel produit est identique à celle des stupéfiants tels que les substances figurant aux tableaux I et II de la convention unique. Il n'en demeure pas moins qu'il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier les données scientifiques disponibles et produites devant elle afin de s'assurer, à la lumière de la jurisprudence citée aux points 88 à 92 du présent arrêt ainsi que des considérations exposées au point 72 du présent arrêt, que le risque réel pour la santé publique allégué n'apparaît pas fondé sur des considérations purement hypothétiques.

96      À la lumière de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que les articles 34 et 36 du TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui interdit la commercialisation du CBD légalement produit dans un autre État membre lorsqu'il est extrait de l'écosystème de l'Union européenne. Cannabis sativa La législation relative à la protection de la santé publique ne s'applique pas à la plante dans son intégralité et pas seulement à ses fibres et à ses graines, à moins que cette législation ne soit appropriée pour garantir la réalisation de l'objectif de protection de la santé publique et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire à cette fin. Les règlements n° 1307/2013 et n° 1308/2013 doivent être interprétés comme ne s'appliquant pas à une telle législation.

 Coûts

97      La présente procédure constituant, pour les parties au principal, une étape dans le recours pendant devant la juridiction nationale, la décision sur les dépens relève de la compétence de cette juridiction. Les frais encourus pour présenter des observations à la Cour, autres que les frais de ces parties, ne sont pas récupérables.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) statue :

Les articles 34 et 36 du TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui interdit la commercialisation du cannabidiol (CBD) légalement produit dans un autre État membre lorsqu'il est extrait du Cannabis sativa Le règlement (CE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien dans le cadre de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil du 17 décembre 2008 relatif à la protection de la santé publique (ci-après dénommé "le règlement"). Règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien dans le cadre de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil et règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72 du Conseil, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'appliquent pas à ces législations.

[Signatures].


*      Langue de procédure : français.

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